Chambre du roi

[La grande place obélisque]

Yukari marchait dans les couloirs du chateau en baissant la tête... combient de temps fallait il pour qu'elle se rende véritablement compte ? Etait elle véritablement en état de choc ? Ou alors c'était le sentiment de le mériter qui faisait qu'elle ne s'écroulait pas par terre pour pleurer ? Les larmes qui coulaient tout simplement sur ses joues... ce n''était pas parce que dans deux jours, à la même heure, elle ne serait plus là.... Non... c'était parce que deux dans jours elle serait séparée de lui à jamais...

Travailler ici en tant que servante, finalement elle n'abandonnait que quelques assiettes. Mais connaître Iwazuni... il y avait tellement de choses qu'elle aurait aimé pouvoir lui dire... et une chose qu'elle n'aurait pas voulu faire. Est-ce qu'il serait là ? A cette cérémonie... le dernier visage qu'elle verrait, elle aimerait bien que ce soit le sien. Si elle mourrait en le voyant une dernière fois, alors elle n'aurait pas peur....

Elle s'arreta un moment dans le couloir pour essuyer quelques larmes sur ses joues. Pourquoi penser à lui était si douloureux maintenant ? Si les choses étaient différentes, s'il n'était pas né dans cette famille... tout ne pouvait pas être parfait. Si tout sa vie avait été de travers, c'était peut être parce qu'elle en demandait trop. Rester auprès de l'homme qu'elle aimait, venger son père... tout était de sa faute.

Elle se remit à marcher, finalement... mourir c'était peut être se sauver. Toutes ses pensées faisaient beaucoup plus mal que d'être sacrifiée. Sa mère en était morte peut être parce qu'elle avait compris qu'on ne pouvait pas vivre en repensant à la mort d'un être cher, à ses erreurs.... Et si elle était encore vivante aujourd'hui, elle n'aurait probablement pas pu supporter de voir sa propre fille mourir de la même façon, ou de savoir que c'était parce que c'était une meurtrière.

Yukari s'arreta devant cette porte... la sienne..... Combien de fois était elle passée devant pour s'arreter pendant plusieurs longues minutes ?L'entendre tout simplement parler ou savoir qu'il se trouvait derrière.... Elle posa une main sur celle ci puis son front pour laisser finalement couler ses larmes:

*Iwazuni... je sais que tu ne pourras jamais me pardonner et je te comprends.... Il y a tant de choses que j'aurais voulu te dire, j'espère qu'une autre personne pourra te les dire... une personne que tu aimeras...*

C'était comme combler un vide. Bien souvent elle s'adressait à lui en pensant... retrouver un peu de son passé.... Elle colla son oreille contre la porte pour entendre sa voix...

[first poooost :p]

Sur le grand lit réservé au rois dont avait récemment hérité Iwazuni rêvassait le nouveau chef d’Apleoda depuis plus d’une heure. Encore une fois, la journée avait été rude et il profitait des quelques instants qui lui étaient accordés. En tant que nouveau à la direction du gouvernement, il avait d’autant plus à s’occuper.
L’esprit d’Iwazuni usé par les conseilles et les réunions peinait à trouver le sommeil alors que ses ennuis au sujet de la direction du royaume se confondaient.

C’est alors que les mêmes souvenirs réapparurent dans sa mémoires. Yukari était là, dans son dernier véritable regard après avoir assassiné son père. Iwazuni n’aurait jamais pu imaginer que ce serait le dernier épisode de leur rencontre. Même en la préservant de la violence des condamnations, il n’avait pas été capable de la garder auprès de lui. Iwazuni s’en voulait de ne pas avoir su la retenir, de ne pas avoir été capable de partir à sa recherche. Mais il avait désormais un royaume sur ses épaules, il ne s’était jamais autant senti prisonnier.

C’est alors qu’une jeune servante pénétra dans la pièce après avoir frappé plusieurs fois et lança en s’inclinant plus bas que terre de sa voix frêle et intimidée :

« Permettez moi de signaler à sa seigneurie que le dîner de sa majesté est prêt »

Elle se retira dans de multiples révérences plus hasardeuses les unes que les autres, il semblait que si elle avait pu s’enfouir dans un trou, elle l’aurait fait.
Iwazuni, qui ne se faisait toujours pas à sa soudaine prise d’importance, se leva dans un long soupir résigné. Il avança à longs pas lourd jusqu’à sa salle de bain ou il se repeigna consciencieusement après avoir changé de tenue, pour opter pour des couleurs plus sombres et discrètes.

Une fois prêt, il ouvrit brusquement la porte de sa chambre, en se frottant encore les yeux. Il craignait de ne pas pouvoir masquer son manque de sommeil à ses conseillers et de faire mauvaise impression. Encore perdu dans ses pensées, ne faisant plus attention, il heurta quelqu’un après avoir ouvert la porte. Surpris et déstabilisé, il rattrapa la personne par les épaules et la tira contre lui pour ne pas l’entraîner dans une mauvaise chute. C’est alors qu’il découvrit l’identité de l’espionne.

Tout tremblant d’étonnement, il n’osa même pas retirer ses mains des épaules de Yukari et se contenta de lui demander dans un balbutiement à n’y rien comprendre :

« Tu… tu nettoyais la porte je suppose … »

Aussitôt il s’en voulu de s’être adressé de cette manière à Yukari, même si le ton de sa voix n’exprimait que de la gêne.
Scrutant anxieusement le regard de la jeune fille, les mains d’Iwazuni glissèrent doucement jusqu’à atteindre celle de Yukari.
Il lui signala alors, dans un petit ricanement enfantin, se trouvant bête :

« Tu sais que j’en ai rien à faire … »

Tout le monde mangeaient, le couloirs était vide, ils étaient seul à cette instant, et Iwa oubliant les règles que lui imposait ses conseillers, enlaça la jeune fille dans ses bras. La tentation était trop grande, il pouvait croire a un mirage, mais pour une fois depuis longtemps la chance lui souriait.

Yukari était là, devant sa porte, le front collé dessus, elle s'imaginait ce qu'elle aurait fait si rien ne s'était passé. Elle se serait peut être arreté devant cette porte, un sourire aux lèvres, cherchant sans doute un moyen de surpprendre Iwazuni ou de le faire rire. Puis elle se serait rentrée en courrant dans sa chambre pour dire une betise et en oublier par la même occasion qu'il devait se preparer pour le diner. Ils auraient ri pendant un moment avant que la jeune fille ne se souvienne de la véritable raison de sa venue. Mais c'était encore en riant qu'Iwazuni se serait préparé. Elle ferait peut être exprès de rentrer dans la salle du repas, sous le pretexte de servir quelque chose, et aurait testé sa concentration, voir s'il parvenait à garder son serieux ou non.

Si seulement... la réalité était differente, elle ne resterait pas là à pleurer contre cette porte, elle n'imaginerait même pas le faire. Elle aurait pu garder un peu de insouciance et serait restée auprès de lui. Petite, elle disait souvent que l'amour c'était pour les vieux ou les débiles. Aujourd'hui, elle pensait que si l'amour était pour tout ces gens là... le monde serait magnifique. S'il n'y avait pas de limites de rang ou d'autres choses, on pourrait enfin dire sans se mentir que l'amour était libre. Mais tout n'était qu'une image pour faire rêver les autres et leur donner du courage pour la vie qu'ils mènent.

Si elle avait pu choisir ce qu'elle voulait faire à ce moment et aux autres, n'importe quoi, sans lui imposer de limites... la vérité... c'est qu'elle serait entrée dans cette chambre pour se blottir dans les bras de celui qu'elle aimait. Mais le temps défilait, et bientôt... elle n'aurait même plus l'occasion de pouvoir le regarder de loin. Cette pensée lui faisait si mal au coeur, qu'elle souhaitait presque partir maintenant pour en finir. Pourtant... peut-être qu'on ne pensait plus aux gens dans la mort, alors pourquoi avoir peur de le perdre ? Mais c'était plus fort qu'elle... il lui manquerait tellement. Elle voulait au moins l'entendre rire encore une fois, ou être près de lui, discuter.... Si on lui donnait un souhait en mourrant, elle ferait celui de revenir au début de sa vie... juste pour le revoir et vivre d'autres moments avec lui....

Yukari se décolla enfin de la porte et essuya ses larmes d'un main en inspirant et expirant, comment pouvait elle se plaindre comme ça ? Avait elle le droit de pleurer après ce qui s'était passé dans cette chambre ? Elle posa son front contre la porte une dernière fois, il allait bientôt partir diner et il ne fallait pas qu'il tombe sur elle:

*Merci pour tout, je...*

Soudain la porte s'ouvrit et elle se sentit tomber. Quelqu'un la rattrapa par les épaules avant de la tirer contre lui. Elle n'eut pas besoin de lever les yeux, elle aurait même pu les garder fermer, elle savait... c'était Iwazuni. Elle avait tenté pendant tout ce temps d'éviter ce genre de scène et pourtant... elle ne put s'empecher de ressentir un certain bonheur qu'elle essaya de chasser immédiatement en se remettant les idées sur terre. Il avait toujours les mains sur ses épaules et elle se mit à rougir en relevant la tête vers lui. Nettoyer la porte ? Ah...:

"Votre Majesté, je ..."

Elle ne finit même pas sa phrase... ce rire ? C'était bien le sien... alors elle pouvait encore l'entendre ? Une dernière fois avant de partir, elle avait put l'entendre. Peut être qu'il y avait quelqu'un qui exauçait les souhaits finalement. Elle sentait les miens dans les siennes, il était près d'elle, il avait rit..... Elle voulait que ce moment se fige à tout jamais, rester pour toujours dans ce couloir avec lui, en ne pensant plus à rien. Iwazuni la prit dans ses bras et les larmes finirent pas couler de nouveau sur ses joues. Elle ne fit rien pendant plusieurs secondes, laissant ses bras tomber, elle savait à présent que... ce n'était pas lui. Il ne devait même pas être au courrant que son nom était désormais sur cette liste et... il ne lui en voulait pas assez pour souhaiter ne plus jamais la voir. Mais... comment avait elle pu faire du mal à quelqu'un comme lui ? Quelqu'un qui ne lui en voulait même pas après tout ça ....

Pensant que c'était peut être son dernier moment de bonheur, laissant aller ses envies, elle passa ses mains dans le dos du jeune homme et se serra contre lui. A cet instant, plus que jamais, elle souhaita pouvoir rester pour toujours avec lui... recommencer une vie differente où elle aurait le droit de l'aimer et où toutes ces choses horribles ne seraient pas passées. Même si sa gorge restait nouée et qu'elle n'arrivait pas à lui dire quelque chose malgré tout ce qu'elle avait voulu toujours lui dire... c'était à ce moment là qu'elle penserait mercredi soir... c'était... c'était aussi à son rire... à... à lui tout simplement...:

"Merci..."

Iwazuni, blotti dans les bras de Yukari, fermait progressivement les yeux. Il se sentait envahi par un étrange sentiment de détente, qui semblait le libérer d’un lourd poids qui lui pesait sur le cœur depuis trop longtemps. Il avait examiné attentivement les quelques mots de Yukari, c’était sa voix qu’il entendait, c’était fabuleux qu’une telle chose lui arrive à nouveau, l’idée de la prendre dans ses bras devenant un rêve… un rêve invraisemblable au fil des jours. Et le bonheur avait frappé au moment ou il s’en attendait le moins, enfin !

C’est alors qu’il se rendit compte qu’elle pleurait, Iwazuni passa avec une extrême douceur sa main sur la joue de la jeune fille en lui murmurant à l’oreille des propos rassurants :

"On est ensemble maintenant… tu n’as plus à t’inquiéter, on ne pourra plus nous séparer, tu verras… n’est ce pas ? "

Iwazuni ne voulait pas la voir pleurer, ils venaient tout juste de se retrouver, c’était idiot, pourquoi ne pas garder ses larmes pour de vrais moments de tristesses ? Seulement, lui qui se voulait rassurant ne valait pas mieux qu’elle et son menton tressaillait discrètement de temps à autre mais s’il fondait en larmes il craignait de ne plus pouvoir d’arrêter.

Le bout de ses doigts caressèrent tendrement les cheveux de Yukari. Jamais plus qu’aujourd’hui, ses sentiments pour elle ne s’étaient autant dévoilés, même pour lui qui n’osait pas reconnaître l’évidence et nommer ce qu’il ressentait. Mais il ne pouvait pas lutter contre ça, tout cela le surpassait, même étant roi il n’était pas plus fort qu’un homme ordinaire. Si seulement ce jour n’était jamais arrivé, si seulement son père gouvernait toujours le peuple d’Apleoda, Iwazuni aurait aujourd’hui conservé quelques libertés et ne serait pas sans cesse épié par les murs du palais. Peut être se serait-il accordé quelques moments, mais il ne pouvait pas en vouloir à Yukari, tout ce qu’elle avait fait, elle l’avait fait de manière à honorer son père et un héritier de sang royal ne pouvait que d’autant plus comprendre cette gouverne. Mais le fait est que ce dernier aurait du tout faire à son tour pour respecter son père, pour le protéger ou pour l’accompagner dignement dans la mort. Mais Iwazuni n’avait respecté aucun de ces engagements, il avait laisser mourir son père et camoufler un meurtre. Son règne démarrait sous de mauvais augures.

Mais aujourd’hui, Iwazuni avait retrouvé celle qu’il s’était efforcé de protéger, à ses propres risques et périls et quoiqu’il arrive désormais, leurs deux destins resteraient à jamais liés dans cette histoire.

Comment… comment faisait il pour lui pardonner ? Mais, maintenant elle comprenait qu’en fait, il ne lui en avait jamais voulu. S’il avait menti sur les circonstances de la mort de son père, c’était pour la protéger. Il avait tout fait pour elle… et elle avait tué son père. Elle ne pouvait pas prétendre de ne pas mériter de mourir, elle devait accepter que ce qui se passerait mercredi, elle le méritait plus que personne sur Apleoda.

Il faudrait qu’elle soit courageuse pour quitter celui qu’elle aimait plus que tout… encore plus que son père… c’était cette séparation qui serait la plus douloureuse. Comment ferait elle pour se résoudre à ne plus le voir ? A accepter de ne plus pouvoir vivre des moments comme celui-ci ? Iwazuni… elle n’avait jamais ressenti quelque chose d’aussi fort pour une personne et avec lui le sens du mot aimer prenait sa propre définition.

Sentant sa main sur sa joue, entendant sa voix, son cœur battait si vite…. "On ne pourra plus nous séparer, tu verras… n’est ce pas ?". Ces mots étaient comme un poignard, elle connaissait la réponse. Mais elle ne pouvait pas résoudre à la lui dire… elle devait mentir. Elle n’avait pas le droit de lui demander quelque chose de plus… mais elle devait être un piètre menteuse, elle ne put empêcher ses larmes de couler plus fort et c’est en sanglotant qu’elle lui répondit :

"Iwazuni… je…. Tu as raison, on restera toujours ensemble maintenant…. Ça ira, je… tu m’as tellement manqué…"

Yukari se serra fort contre lui, c’était peut être la dernière fois qu’elle le voyait réellement… et lui n’en savait rien. Il serait peut être déçu en apprenant qu’elle ne lui avait rien dit, mais elle n’avait pas le choix. Comment pourrait elle lui dire la vérité ? Même si rien ne s’était passé, elle sentait qu’elle n’aurait pas pu. Elle était bien trop dure à dire, elle préférait se mentir à elle-même, se dire que tout reprendrait comme avant, qu’elle serait avec lui pour toujours comme il lui avait dit, comme elle l’avait confirmé.

*Pardonne moi Iwazuni... je ne peux pas...*

Elle sentirait encore ses doigts dans ses cheveux, elle pourrait encore se serrer contre lui d’autres jours…. Mercredi ne serait qu’un mauvais rêve duquel elle se réveillerait pour revoir son visage, il se moquerait même gentiment d’elle quand elle lui raconterait le cauchemar qu’elle avait fait, puis ils se mettraient à rire avant de discuter pendant des heures. Tout se passerait comme ça… comme dans son rêve. Parce qu’elle l’aimait et qu’elle préférait se mentir que de se dire que plus jamais elle ne le verrait…

[Et c’est repartiiii :D]

Comme pour éterniser le plaisir, Iwazuni prolongeait ses caresses avec d’infinies précautions. Craignant qu’elle ne prenne peur et que ce moment puisse avoir une fin, chacun de ses gestes étaient immodérément réfléchis, et pour la première fois, il avait osé la toucher, la découvrir autrement que par la vue, mais avec réserves car même si les sentiments du jeune roi débordait pour Yukari, ce n’était pas encore le moment de tomber amoureux. Et encore moins d’une femme ne faisant pas partie de la noblesse.

Assurément, son cœur voyait les choses autrement, mais comment faire sans se mentir à sois-même pour surmonter une telle épreuve que de l’avoir en face de lui ? Elle qui n’avait pas cessée de le hanter lui répondait aujourd’hui qu’elle ne voulait plus le quitter. Ses propres propos se retournaient contre lui jusqu’à le mettre mal à l’aise, et à cette seconde, plus que n’importe qu’elle seconde de son existence, Iwazuni n’avait jamais aussi profondément désirer vivre sur la Terre, loin d’Apleoda et de son palais, et de ses responsabilités.

Un bruit pesant retentit, déversant son échos dans tout les couloirs du palais, l’horloge sonnait minuit. Cette fois ci personne ne se transformerait en citrouille, mais la rondes des gardes allait reprendre non loin d’eux et se faire surprendre aurait été un drame.
Stoppé dans son élan et prenant brutalement conscience du danger, Iwazuni s’empara des mains de son amie, en lui murmurant discrètement :

« C’est l’heure de la ronde des gardes… Depuis la disparition de Père, la sécurité a été renforcée, nous avons déjà eu de la chance de ne pas les avoir croisé plus tôt… »

En parlant de son père, Iwazuni redoutait de faire resurgir de mauvais souvenirs à Yukari, mais il ne pouvait pas sans cesse éviter le sujet et il était vrai que bien des choses avaient changées depuis ce jour.

A cet instant Iwazuni aurait du s’enfuir de son palais avec Yukari, puis par la fabuleuse chance des héros de conte, réussir à quitter Apleoda. Ils auraient découvert un monde plus vaste, plus riche, plus beau, plus avancé où couler des jours heureux, toujours plus loin de tout ce qui avait déjà fait leur malheur… C’était comme ça dans son rêve à lui, un rêve ou il aurait pu dépasser toutes les frontière les plus redoutés.

Mais « vie » et « paradis » riment affreusement faux. Il était temps de quitter son conte s’il ne voulait pas aggraver son cas et se mettre à dos ministres et peuple.
Iwazuni ramena Yukari dans l’ombre d’un pilier déjà dans l’obscurité de l’extrémité du couloir et ne pouvant se résigner à lui lâcher la main lui avoua sans avoir le courage de la regarder dans la yeux.

« Mais non…on ne peut pas… pas maintenant, plus maintenant.. .c’est fini tout ça, on prendrait trop de risques tout les deux… Tu dois partir, te dépêcher… Si on te voit ici, avec moi, on risquerait de penser que… »

Mais penser quoi ? Iwazuni n’en laissa rien échapper. Sa voix tressaillait, il risquait de tout perdre à nouveau. Et elle qui réapparaissait brusquement dans sa vie, il ne s’était même pas demandé pourquoi. Iwazuni ne pensait plus qu’à lui : lui et son royaume à gouverner, ce que penserait de lui ses ministres et ses conseillers et son peuple. Toutes ces charges l’étouffait, il n’était pas prêt à endurer tant de peines. Si bien que tout ces rêves, son idéal, n’avait plus de place dans sa vie. Il finirait certainement aussi rêche que son père, sans but à part celui que de faire perdurer Apleoda dans ses traditions. Peut être que quelqu’un l’assassinera aussi pour tout ses crimes ? Mais qui s’en plaindra…

« Tu dois partir maintenant, …je t’en pris… »

Dans un dernier effort, d’un ton suppliant, il s’obligea à abandonner Yukari. Il lui déposa à la hâte une petite bourse dans la main contenant 500 pièces d’or , c’était tout ce qu’il avait eu sur lui à cet instant mais il s’imagina qu’elle saurait certainement mieux quoi en faire.

Regagnant sa chambre sans se retourner, il risqua un œil au moment de refermer sa porte. Mais il ne vit rien dans l’obscurité. Déjà, les remords le gagnait.

A partir de quand avait elle laissé les choses allaient aussi mal ? Maintenant... elle avait l'impression que le choix qu'elle avait fait avait été inutile. Même si elle avait vengé son père... rien n'avait changé à Apleoda et les noms continuaient de defiler sur cette obélisque. Et en échange, elle avait perdu Iwazuni... même si elle savait qu'il ne lui en voulait pas aujourd'hui, c'était sans doute la dernière fois qu'elle le voyait, qu'elle avait l'occasion de lui parler... et pourtant, elle ne parvenait pas à lui parler comme elle aurait voulu le faire. Mais ils ne vivaient sans doute pas dans le bon monde pour ça, il valait mieux qu'elle se taise jusqu'à la fin.

Finalement, c'était sans doute mieux qu'elle parte pour lui. Même si elle sentait sa main sur elle ce soir, ça ne changeait rien au fait qu'elle l'avait privé d'une personne importante. Et pourtant, elle restait là, dans ses bras, comme une égoiste... elle voulait tellement profiter de ces derniers moments. Peut être que tout le monde avait le droit de quitter ce monde en égoiste.... Elle prit doucement sa main dans la sienne pour la serrer, si elle pouvait la tenir demain, elle se sentirait sans doute mieux, elle n'aurait plus peur. Est-ce que son père avait imaginé une main dans la sienne pour se donner du courage ? Aujourd'hui, elle regrettait davantage de ne pas lui avoir dit au revoir... elle comprennait désormais pourquoi c'était si important ...

L'horloge avait coupé cette rencontre un peu brutalement, mais plus par les paroles qu'elle avait provoqué chez Iwazuni que par le son régulier de ses 12 coups. Yukari avait baissé la tête.... Si elle avait été quelqu'un comme lui, quelqu'un qui restait si calme, si noble d'esprit, l'ancien roi serait encore là aujourd'hui. Et si son père à elle était encore là, il lui aurait surement appris ce genre de choses, elle aurait pu lui ressembler et avoir tout ce courage qui était le sien lorsque viendrait pour elle le moment de le rejoindre. Elle aurait aimé pouvoir lui raconter comment était le monde en bas... mais peut être le savait il déjà comme elle l'avait espéré pendant toutes ces années.

Elle garda les yeux baissés, écoutant silencieusement Iwazuni, même si les paroles qu'elle entendait ne permettaient pas de rêver jusqu'à sa mort, elle savait qu'il avait raison. Seulement, on voulait tous rêver une dernière fois... et puis, elle l'avait eut cette chance. Même si elle ne lui avait rien dit, au fond d'elle, elle lui avait fait ses adieux. Alors, elle pourrait trouver la force en repensant à cette rencontre, à la chaleur de ses mains et à son rire. Et tout était mieux pour lui, dans quelques jours, il irait mieux et il ne se sentirait sans doute plus coupable de l'avoir protégé.

Prendre des risques, elle s'en moquait maintenant, mais elle ne voulait pas partir en pensant qu'elle lui avait encore causé des ennuis. Elle releva les yeux pour le regarder une dernière fois, elle ne voulait pas que les larmes la trahissent... elle se força donc à sourire, peut être étrangement. Dans l'ombre de ce couloir, elle ne le verrait bientôt plus, et elle prefera baisser les yeux pour ne pas le voir partir. Finalement, elle ne saurait jamais faire de véritables adieux...

Yukari sentit bien qu'il lui déposa quelque chose dans la main, mais elle ne regarda pas, elle se contenta de fixer le sol de longues secondes, dans le silence. Ce n'est que lorsqu'elle entendit la porte de sa chambre se refermer qu'elle osa relever les yeux. C'était... terminé.... Les larmes coulaient sans bruit sur ses joues alors qu'elle regardait en direction de sa porte qu'elle ne distinguait même pas dans la pénombre. Elle murmura pour elle même avant de se retourner:

"Au revoir..."

Elle avait déjà quitté le couloir quand elle baissa les yeux vers ce qu'elle tenait dans sa main. Une bourse... si la situation avait pu être plus drole, elle se serait sans doute demandé ironiquement ce qu'elle allait en faire. Mais elle pensa simplement qu'elle avait gaché la vie de quelqu'un de gentil, d'attentionné. Et elle essaierait de l'être aussi avec cet argent pour d'autres personnes qui le méritaient.

[Ailleurs :P]

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