A force d'attendre quelque chose qui n'arrivait pas, Taro commença à sentir Morphée vouloir jouer avec lui. Au début, il se demandait si ce n'était pas sa comparse qui, ivre et voulant s'amuser, avait eu envie de le voir dormir, mais ce n'était pas le cas. Ce n'était pas non plus une attaque surprise, personne ne surgit dans la chambre en poussant un cri de guerre. Ce qui valait mieux parce que réveiller Mai quand elle avait la gueule de bois... Bref, autant déclarer avant coup vouloir se suicider. Non, en fait, il se rendait compte que ce n'était que la légitime fatigue, accompagnée dans sa quête par l'alcool, qui venait réclamer son dût.
Sauf que ce qu'il devait, Taro préférait le payer ailleurs. Parce que Mai une fois réveillée dans son état normal serait d'une humeur massacrante. Elle n'aimait pas avoir mal à la tête d'une part. Ce qui laissait pantois quand on la voyait descendre les bouteilles d'alcool avec une telle aisance. Ensuite, parce que dormir avec elle quand elle ne se rappelait plus de sa nuit présentait le même risque que dormir dans un nid de dragons après avoir mangé les oeufs qu'il contenait. De nouveau, autant déclarer se suicider au préalable.
Le combat contre le sommeil fut épique, dura longtemps, mais n'eut que la lune comme témoin. Ce fut long, il manqua plusieurs fois d'être vainqueur. Sans doute l'aurait-il été s'il avait hélé le tenant de la misérable auberge pour lui demander une boisson capable de le faire tenir toute la nuit. Sans doute aussi, l'homme n'aurait pu s'empêcher un commentaire égrillard le lendemain matin. Ce qui présentait autant de risque, surtout que Mai pouvait considérer qu'ils avaient eu une nuit de folie avec un tel témoignage. Ce qui signifiait que sa tête allait voler avant de se faire piétiner puisqu'elle aurait été ni plus ni moins violée. Bref, la situation était tendue.
Et puis la force d'une alcoolique était surprenante. Plusieurs fois, il avait tenté avec douceur de lui faire lâcher prise. Soit il devait avoir une attirance qu'il n'imaginait pas, soit elle était à l'aise sur lui. Quoiqu'il en soit, elle ne voulait pas desserrer son étreinte, ce n'était pas les tentatives qui manquaient pourtant. Il finit par s'allonger, espérant donc qu'elle lâcherait prise une fois bien endormie. Elle réagit à son entrée dans un sommeil plus profond oui... Mais pour poser sa tête sur son torse. Taro sentait bien qu'elle en serait encore plus furieuse le lendemain, mais il n'allait pas non plus la frapper pour la faire sortir de sur lui. En plus il était dans sa chambre...
Tout cela finit par le désespérer ou presque, et surtout par le faire s'endormir. Il savait au moment où ses paupières se refermaient qu'elle allait sans doute le tuer le lendemain matin, ou du moins lui passer un savon bien senti... Mais bon, il eut aussi la vague sensation avant de dormir qu'il lui passait doucement la main dans les cheveux, par réflexe. Bon dieu, de bon dieu, quel réflexe de merde alors... Si elle se souvenait de cela ou qu'elle se réveillait avec sa main dans les cheveux, il allait avoir un sacré réveil.
Son sommeil fut identique à ceux des dix années précédentes à peu près. Il ne s'agitait pas pendant qu'il dormait, ne réagissait pas comme à un cauchemar, mais il revoyait des scènes de son passé, souvent celles qu'il aurait voulues oublier. Il fallait dire qu'en temps que membre d'une unité spéciale, le sale boulot, ce n'était pas si rarement que cela qu'il en avait eu à faire, entre faire parler des femmes ou des gosses, assassiner des pontes de le rébellion famille comprise ou autres joyeusetés, il avait un passé à se pendre si l'on avait pas un moral en plomb. Ce qui était heureusement sn cas. Ces derniers temps, le rêve était le même, celui de sa dernière mission. Il estimait qu'il ne la revivait pas pour essayer de savoir s'il aurait pu deviner que ces espions déguisés auraient pu être sauvés, il savait parfaitement que oui, il ne les avait pas intérroger pendant qu'il les torturait, mais s'il aurait pu sauver plus que de ses camarades, à part Kenshin, le pire sadique qu'il avait pu se coltiner au cours de sa carrière, et quelques autres.
Toutefois, alors qu'il revivait cet évènement pour la cinquième ou sixième fois de sa nuit, il sentit Mai commencer à bouger contre lui. Son cerveau transmit les signaux d'alertes, mais il était encore trop fatigué pour réagir convenablement. Il commit l'erreur fatale de se détendre quand elle le tapota, assimilant son geste non pas à une erreur où elle le prendrait pour un oreiller, mais à une tentative gentille, parce que sans seau d'eau glacée, pour le réveiller. Il sentit bien vite un double choc, d'abord au niveau de ses côtes, puis de son dos. Comprenant qu'il avait été mis à terre, mais sans savoir par qui, il se précipita pour se relever, dégainant son arme et se mettant en position de défense.
Encore endormi, il se réveilla à mesure qu'il prenait conscience que la Valkyrie sur le lit en train de le menacer n'était autre que sa patronne, armée de sa fidèle épée, en train de le menacer de milles tortures pour avoir partager sa couche. Il allait devoir trouver une excuse très vite, mais ne rengaina pas, il ne savait pas trop comment elle allait réagir et voulait garder sa tête sur les épaules encore quelques temps... Bref, la terrible générale Mai Ishida, brave et sans pitié, était de retour, au plus grand regret de Taro, qui parla posément, sur le ton d'une discussion amicale et sympathique, comme si elle n'était pas sur le point de le trucider.
"Vous avez fini par me lâcher? Je vais donc retourner finir ma nuit dans ma chambre moi..."