L'obélisque

[First post]

La nuit tombait doucement sur Apleoda et ses rues, les commerces fermaient doucement alors que les voleurs commençaient leur travail dans la plus grande discrétion possible. Le temps était assez doux et le léger vent qu’il y avait n’était qu’agréable. Yukari Komatsu, jeune servante au château, respirait d’ailleurs l’air frais les yeux fermés. Sentir le vent sur son visage, elle avait toujours aimé ça… ou presque toujours…. Elle se disait que si son père flottait aujourd’hui, peut être qu’un jour elle pourrait le sentir dans le vent.

Cela faisait maintenant six ans qu’elle laissait le vent passer sur son visage dans l’espoir de retrouver un peu son père un jour. Peut être était ce triste… peut être était ce ridicule… mais elle voulait croire qu’un jour son geste ne serait plus désespéré. Encore une fois, elle ouvrit les yeux dans un échec, il était peut être là, mais elle ne parvenait pas à le ressentir. Ou alors… il ne voulait plus… elle n’était pas devenue quelqu’un de bien… elle essuya une larme qui venait de couler sur sa joue et dit dans un sourire triste :

"C’est pas grave papa… je comprends…"

Puis elle se mit à marcher pour faire un tour sur la grande place, elle venait de finir son service au château et elle avait eut envie de faire un tour dans son ancien quartier pour voir des visages familiers, retrouver un bout de son passé. Mais ses pas ne la menèrent pas jusqu’au quartier, finalement elle s’était arrêtée à quelques mètres de l’obélisque….

Elle se revoyait encore… ça lui semblait si proche, pendant toutes ses années, ses souvenirs étaient toujours si nets. Est-ce que ce serait pareil pour lui… pour Iwazuni ? Est-ce qu’il ressentait l’angoisse qui lui serait le cœur en ce moment quand il passait devant un souvenir appartenant à lui et son père ? Avait elle détruit à jamais sa vie ?

*J’aimerais tellement pouvoir revenir en arrière… je sais que je ne pourrais pas sauver mon père, mais peut être pourrais-je sauver ta vie…*

Yukari avait levé les yeux vers le ciel, ce soir, il y aurait beaucoup d’étoiles… peut être qu’une d’entre elles voudrait bien exaucer ce souhait. Même s’il fallait rendre la vie à cet homme qu’elle avait toujours détesté… la jeune femme joignit ses mains comme pour prier mais elle fut bientôt interrompue par une voix derrière elle :

"Yukari ?"

Celle-ci se retourna pour voir ce visage familier, c’était l’époux d’une collègue à sa mère, celle la même qui l’avait conduit à la taverne ce fameux jour. Aussi, elle tenta un sourire avant de faire quelques pas pour arriver à sa hauteur et hocher la tête :

"Il y avait longtemps Tetsumo-san… vous travaillez en forêt ? Je suis venue voir Erika l’autre jour et vous n’étiez pas là…"

Celui-ci hocha la tête tristement et détourna les yeux. Yukari crut d’abord qu’elle avait fait une erreur et qu’il y avait des problèmes au sein du couple. Elle ouvrit la bouche, confuse :

"Ah… désolée… ça ne me regarde pas… je…"

Elle n’eut pas le temps de finir sa phrase, Tetsumo venait de poser une main sur son épaule et plonger un regard compatissant dans le sien. La servante baissa d’abord les yeux, pour réfléchir… ce regard… elle l’avait déjà vu quelques années plus tôt. Sauf que c’était sa femme qui le lui avait donnée…. Elle redressa la tête pour le regarder à nouveau… c’était… ?

"Yukari, si tu as besoin de quelques chose, Erika et moi on…"

Mais Yukari se retourna et se mit à marcher en direction de l’obélisque sans lui laisser le temps de se montrer compatissant. Est-ce que… est-ce que c’était maintenant ? Finalement…. Elle s’arrêta devant l’obélisque et leva les yeux vers cette liste, son regard descendait lentement… lentement pour arriver à ce nom, son nom… alors ça y était…

Citation :: Yukari Komatsu

Elle s’était toujours demandée ce qu’elle penserait si ça lui arrivait un jour, si elle comprendrait ce qu’avait pu ressentir son père. Mais tout était si flou… ce n’était pas la même chose, elle le méritait bien…. Iwazuni… elle ne pouvait pas lui en vouloir d’avoir finalement dit la vérité… elle aussi avait voulu tuer son père pour ce qu’il avait fait, alors elle méritait de mourir. Finalement, c’était un cercle sans fin. Elle posa un doigt sur son nom et leva à nouveau les yeux vers le ciel. Sans qu’elle s’en rende compte, elle s’était mise à pleurer :

"Pardon papa… je ne pourrais pas aller à Terra finalement… mais on se retrouvera quand même…. Tu viendras me chercher ? On ira tous les deux…"

A nouveau, la main de Tesumo se posa sur son épaule… ce n’était rien, elle n’avait pas peur… tout se passerait bien… elle se retourna donc vers lui, et malgré ses larmes, elle s’essaya à sourire. Mais elle ne dut pas être convaincante car l’homme la prit dans ses bras pour la serrer :

"Je suis désolé… tu aurais du venir vivre avec nous, on n’aurait pas du te laisser seule…"

Yukari secoua la tête et se dégagea. Il n’y avait pas de meilleur moyen qu’une étreinte et de la compassion pour déclencher de plus grosses larmes :

"Ça ira…. Je passerais vous voir… passez le bonjour à Erika…"

Elle se mit donc à marcher à reculons, elle n’irait pas voir son ancien quartier… peut être plus tard, si on lui en laissait le temps. Son père n’en avait pas eut beaucoup, alors s’il lui en restait aussi peu… elle voulait le voir une dernière fois, même si c’était que de loin et pour quelques secondes…

[Château]

Mylow Nombre de messages : 6 Ville : Blaeno Date d'inscription : 06/04/2006

[Palais]

Ryo venait de s'éclipser discrètement du palais et s’était rendu sur la grande place, près de l’obélisque. Ca ne faisait que quelques jours qu’il était apparu à Apleoda et contrairement aux grandes villes comme Centra, sa présence ne passerait pas inaperçue. Jusque là, il avait su rester prudent et peu de gens l’avaient remarqué mais désormais, il allait entrer en action. Durant les jours précédents, il avait tout mis en place pour le spectacle et sa missions serait alors assez simple à réaliser. Après tout, les humains étaient si prévisibles…

Le robot adopta alors une démarche plutôt tranquille et assurée tout en gardant sa tête baissée et se dirigea vers l’obélisque. Il lit alors sur la fameuse liste "Yukari Komatsu" et sans surprise releva la tête. Il prit une mine triste et déterminée à la fois. Il se devait de réagir comme prévu et surtout assurer le rôle qu’il devait jouer. Désormais, il restait Ryo Masaki mais ce n’était plus du tout le même homme…

C’était un vieil ami de Kiko Komatsu, le père de Yukari, bien sûr il l’avait connu assez jeune mais il avait un peu été comme un père pour lui. A l’époque, il faisait parti de ceux près à tout pour que les sacrifices cessent et la bande de Kiko Komatsu était un peu devenue une famille pour lui puisqu’il était seul. Enfin, contrairement aux autres il ne fut pas inscrit sur la fameuse liste à cause de son jeune âge. Après cela, il s’était enfermé dans un coin d’Apleoda et n’avait plus donné signe de vie à personne.

Pourtant, on l’avait informé que Yukari se trouvait sur la liste et il ne pouvait pas laisser faire cela. Pas encore… Il n’avait pas pu sauver Kiko mais pour sa fille , il se devait de faire quelque chose et il ne laisserait pas Apleoda s’emparer de sa vie (on y croirait presque :p). C’est pour cela qu’il était sorti de chez lui, bien décidé à agir. Ryo était passé voir les anciens amis de Kiko, du moins ce qu’il en restait pour leur faire comprendre qu’ils devaient conforter sa version des faits, et surtout son existence. Il suffisait de leur faire comprendre que s’ils n’obéissaient, ils le regretteraient amèrement…

Ryo observa alors calmement la grande place et trouva un endroit tranquille pour s’asseoir. La personne qu’il attendait ne devrait plus tarder à faire son apparition sur près de l’obélisque. Serait-elle seule ou accompagnée ? Question inutile puisque cela ne changerait rien aux plans de Ryo… Il poussa un petit soupir en regardant vers l’horizon et en murmurant :

"Yukari... Dépêches-toi d'arriver..."

[Le palais, chambre du roi]

Yukari n'avait pas trouvé le sommeil... à vrai dire, elle ne l'avait même pas cherché. Elle vivait ses dernières heures, et même si elle aurait préféré ne pas les passer à réfléchir, elle ne voulait pas les perdre en dormant. Elle était restée dans sa chambre, silencieuse, à attendre que le jour se lève. Elle avait refait sa vie toute seule, repensant aux moments de bonheur comme ceux de tristesse. Et Iwazuni n'avait cessé d'occuper ses pensées. Finalement, c'est sans y réfléchir, qu'elle s'était mise à lui écrire cette lettre d'adieu. Elle lui devait au moins une forme d'adieu, et si elle n'avait pas eut le courage de trouver les mots tout à l'heure, elle pouvait au moins lui écrire. Même si l'écriture était un peu tremblante, elle avait fait de son mieux. Elle l'avait ensuite mise dans une enveloppe et était sortie.

Avant de se rendre à la grande place, elle s'était rendue chez Tetsumo et Erika. Pas pour leur faire des adieux remplis de larmes, mais pour leur donner l'argent donné auparavant par Iwazuni, et la lettre en leur priant de lui remettre après sa mort, veiller à ce qu'elle ne tombe pas entre d'autres mains. Elle n'était pas restée longtemps, elle n'avait pas envie de perdre le peu de force qui lui restait dans leurs bras, elle voulait essayer de ne pas pleurer.... Elle leur adressa même un sourire avant de s'éloigner pour la dernière fois de leur maison, ébouriffant encore une fois les cheveux de leurs enfants.... Encore quelques heures, et tout serait fini.

Elle n'avait rien d'autre à faire en attendant.... Sa vie était une vie vide... vide au point que ses dernières heures ne soient que de l'attente. Finalement, il n'y avait qu'Iwazuni qui rendait sa mort difficile, il n'y avait que lui qui faisait que c'était douloureux de penser qu'elle quitterait tout... ce "tout" qui était juste une personne. Elle s'arreta quelques secondes pour respirer, pourquoi c'était si dur ? Elle leva les yeux au ciel... recevant quelques gouttes sur le front, elle contempla ces nuages... elle aurait aimé partir avec un ciel bleu pour avoir une chance de voir son père qui devait être derrière ses nuages. Un sourire triste se dessina sur visage, là encore ce n'était qu'un rêve... il fallait qu'elle se fasse une raison maintenant....

Yukari poussa un soupir avant de faire les derniers pas qui la séparaient de la grande place, elle ne s'approcha pas trop de l'obélisque, préférant rester encore à l'écart. Un soldat lui lança un regard, presque soulagé. Il avait surement du penser qu'il n'aurait pas à la chercher, qu'il aurait moins de travail. Elle ne comprendrait jamais comme certaines personnes pouvaient se faire à ce genre de pratique... qu'un tel acte puisse appartenir à leur quotidien. Promenant son regard sur la place, se souçiant peu de la pluie, elle croisa le regard d'un jeune homme assis... elle ne détourna pas les yeux, comme si elle ne le devait pas... elle le trouvait... étrange....

Mylow Nombre de messages : 6 Ville : Blaeno Date d'inscription : 06/04/2006

Alors que la pluie commençait lentement à tomber sur la grande place, la jeune femme qu'il attendait fit enfin son apparition : Yukari Komatsu. Ryo remarqua au passage le regard de soulagement du soldat, décidément les humains ils ne pensaient vraiment qu'à leur propre intérêt. Cette idée même de sacrifier des gens pour que l'île puisse continuer de voler, c'était si futile... et faire croire aux habitants que c'était une nécessité l'était encore plus.

Il se leva alors lentement du petit muret où il s'était installé et tout en sachant qu'il était observé continua à regarder l'horizon puis le ciel d'où les gouttes tombaient de plus en plus. Il fit mine d'avoir un air mélancolique et triste puis tourna la tête vers la jeune fille qu'il fixa dans les yeux. Oui c'était bien elle, les évènements n'allaient pas tarder à commencer... Il se dirigea vers elle d'un air calme et la tête basse avec des pas plutôt trainants. Puis, une fois face à elle il se redressa et avec des yeux aussi tristes que dévastés il lui dit :

"Yukari... Enfin je te retrouve, pardonne moi d'avoir tant tardé. Je n'aurais jamais du... jamais du te laisser seule face à tout cela. Pardonne moi"

Il la prit alors dans ses bras comme pour la consoler et tenter de se faire pardonner à la fois. Il devait tout faire pour être crédible, et le langage du corps était le plus persuasif pour les humains. Les émotions et les sentiments l'emportaient toujours sur la raison. Alors même si elle ne le connaissait pas , avec tout ce qu'il lui arrivait ce ne serait pas dur de lui faire croire ce qu'il voulait en montrant de la compassion, de l'amitié ou encore de la bonté. Il se recula doucement pour ne pas la brusquer et dit calmement.

"Excuse moi de t'avoir bousculé, mais j'ai eu si peur d'arriver trop tard, cette fois encore... Tu ne dois sûrement pas te rapeller de moi, mais je suis un ancien ami de ton père, Ryo Masaki..."

Puis il se rapprocha et posa l'enlaça de nouveau pour murmurer discrètement à son oreille :

"Il faut que tu me suives, pas ici ce serait trop bruyant, mais fais moi confiance Yukari... Je ne te laisserais pas mourir, cette fois ci je ne les laisserais pas faire comme avec ton père. "

[palais ~ chambre du roi]

Escorté d’une multitude de soldats, Iwazuni, ses conseillers ainsi que toute la noblesse qui y était conviée officiellement se dirigeaient tranquillement vers la place. Des crieurs publiques annonçaient le cortège et toute la foule déjà pressée autour de l’obélisque répondaient par un murmure affolé avant de se soumettre hâtivement aux ordres de céder le passage.

Iwazuni ainsi que les personnalités les plus importantes d’Apleoda montèrent sur une tribune réservée de plusieurs mètres qui surplombaient la grande place. Après s’être présenté au peuple, c’est le peuple tout entier qui s’inclina devant son roi. D’un simple signe de tête c’est toute la cérémonie qui débuta.

Iwazuni s’était assis, durant que les soldats chargés de recenser les inscrits de la Liste empoignaient brutalement ceux qui en se sacrifiant allaient permettre à l’île de voler. On pouvait sentir la haine de certains de ces soldats usant de leur pouvoir pour humilier. Un conseiller demanda même de pondérer leurs actes. En effet, les volontaires au sacrifice se raréfiants, l’utilisation de hors-la-loi devint une ressource suffisante. Cependant, elle eu l’effet de dévaloriser grandement l’acte anciennement noble du sacrifice.

Iwazuni rêvassait, il avait développé une triste habitude à présider cette cérémonie, le sentiment horrifié de ses dix ans avait depuis longtemps disparu. Il repensait à la veille, quant il s’était assis derrière la lourde porte de sa chambre. Comme pour dissimuler son teint livide à une Yukari qui était déjà partie depuis longtemps. Mais depuis quand… ? Car déjà les minutes avaient semblées filer vigoureusement. Pensif, il imaginait tout ce qu’il aurait pu faire… ou plutôt tout ce qu’il aurait aimé faire. Accepter de ne plus la revoir était impensable, il la chercherait sans aucun doute… Il avait entrouvert la porte, dans un dernier espoir qui restera vain. Puis la nuit était passée, au matin on le trouva étrangement morose, le sommeil n’avait pas pour autant effacé son chagrin.

Il se trouvait bien seul aujourd’hui, même si Yukari avait déjà quittée le château, même en sachant depuis le début qu’elle ne serait jamais acceptée dans son milieu, même en s’étant fait à l’idée qu’il ne pourrait jamais fuir ses devoirs, elle occupait encore et toujours son esprit. Aujourd’hui, Iwazuni n’avait pas lu la Liste, il ne se sentait pas d’humeur et puis qu’est ce que ça pourrait bien changer au monde finalement ? Il n’avait jamais croisé ces gens et leurs noms demeureraient à jamais pour lui que des noms qu’il oublierait bien rapidement.

Derrière lui, le peuple s’agitait, on préparait le sacrifice autours de l’obélisque, quelques cris résonnaient au dessus d’un brouhaha généralisé.
Un soldat s’avança face à la foule et ordonna le calme. Quelques minutes plus tard, un silence pesant s’installa trahis uniquement par les plaintes désespérés des proches des condamnés. Il éleva la voix et énonça à la population chaque nom, avec une uniformité dérangeante, comme s’il était dénué du moindre sentiment. Mais un d’entre eux fut particulièrement percutant.

Citation :: […]
Yukari Komatsu
[…]